Surmonter le syndrome de la page blanche
La fameuse page blanche ! C’est là que tout commence pour chacun d’entre nous. Une page blanche, c’est une toile vierge, un espace où tout reste à bâtir, où l’imagination est reine et où chaque idée semble possible. C’est l’espérance incarnée, une liberté totale, le pouvoir d’envisager l’infini.
Pourtant, cette même page blanche peut engendrer une peur grandissante. C’est le moment où l’on reste immobile devant l’écran, le curseur clignotant obstinément, mais où les mots peinent à jaillir pour noircir cette nouvelle page Word.
Cette appréhension, lorsqu’elle paralyse, a un nom : la leucosélophobie. D’après les encyclopédies, c’est la crainte qu’éprouve un écrivain de ne pas trouver l’inspiration au début ou pendant la création d’une œuvre.
Tous les auteurs, un jour ou l’autre, se retrouvent face à cette page blanche, à des degrés divers, quelle que soit leur expérience, leur approche méthodologique, leur idée initiale ou le genre littéraire auquel ils s’adonnent, que ce soit des articles ou des romans (qu’ils soient de fiction, de non-fiction, fantastiques ou réalistes).
Cette page blanche, ce n’est pas seulement un manque d’inspiration. C’est un blocage alimenté par le désir ardent de créer une œuvre parfaite, au point que chaque idée semblant germer dans l’esprit de l’auteur lui paraît mauvaise.
La page blanche, un manque d’inspiration et de confiance en soi
Il n’existe pas de remède universel au syndrome de la page blanche. Cela dépend de chaque individu, de sa relation avec l’écriture et du degré de blocage rencontré. Pour certains (bien qu’ils soient rares), cela ne serait qu’un mythe, pour d’autres simplement un manque d’inspiration.
Pourtant, le syndrome de la page blanche, la leucosélophobie selon les encyclopédies, englobe bien plus que cela. C’est un mélange de manque d’idées, d’inspiration, conjugué à un cruel déficit de confiance en soi (soudain ou latent) et à une pression significative, notamment du fait que le texte que vous écrivez est destiné à être lu, voire publié et partagé avec vos proches. Une œuvre publiée, même si elle est de nature fictionnelle, expose comme une mise à nu.
Comme tout artiste – danseur, chanteur ou peintre – la création d’une œuvre destinée à être montrée au monde engendre inévitablement du stress, des questionnements, des doutes (à moins de les ressentir une fois l’œuvre achevée).
Lorsque vous imaginiez votre vie d’écrivain, peut-être vous voyiez-vous confortablement installé devant votre ordinateur, vos doigts dansant sur le clavier, votre imagination bouillonnante, les mots s’ordonnant parfaitement dans votre esprit pour apparaître presque magiquement sur l’écran.
Puis, après quelques jours ou semaines, vous posiez le point final, souriant, satisfait de cette première étape accomplie. Vous envisagiez de relire votre texte pour de légères retouches avant de l’envoyer aux maisons d’édition.
C’est un tableau charmant, mais dans la réalité, ça ne se passe (presque) jamais ainsi. Amélie Nothomb, par exemple, rédige son premier jet en quelques semaines – après avoir élaboré mentalement son roman – et l’envoie tel quel à sa maison d’édition, Albin Michel. De tous points de vue, et positivement, Amélie Nothomb est une exception littéraire, mais même les écrivains expérimentés sont parfois en proie à ce syndrome.
La page blanche n’est pas l’apanage des auteurs débutants, bien qu’ils soient souvent plus confrontés à cette situation car ils n’ont pas encore trouvé leur méthode pour y faire face.
Ernest Hemingway avait une vision intéressante à ce sujet : « La meilleure façon d’écrire, c’est d’arrêter lorsque vous savez déjà ce qui va suivre dans votre histoire et que vous écrivez bien. Si vous le faites chaque jour, vous n’aurez jamais de blocage. »
Il semblait avoir trouvé sa propre méthode pour poursuivre son travail, une réflexion qui semble pleine de bon sens. Arrêter son travail quotidien d’écriture au bon moment, lorsqu’on se sent à bout du chemin, lorsque l’inspiration s’est tarie, ou quand la fatigue ou la faim se font sentir, cela ne semble pas judicieux. Que restera-t-il pour le lendemain ?
En revanche, si vous choisissez d’interrompre votre travail au moment opportun, lorsque vous savez comment continuer votre histoire, vous aurez hâte de reprendre le fil derrière votre écran, plongeant littéralement dans votre récit.
10 conseils pour surmonter la page blanche
La page blanche n’est pas reliée à la rédaction d’un plan ou à la méthode de travail. Ce blocage relève du domaine psychologique, donc il n’existe pas de méthode universelle pour l’éviter. Néanmoins, il existe quelques astuces pour le surmonter, chacun pouvant les essayer en fonction de sa propre situation, sa personnalité et ses processus mentaux.
1. S’inspirer dans les livres et ailleurs
Plonger dans les romans de Toni Morrison, visionner l’intégrale des films de Quentin Tarantino, explorer les expositions artistiques au musée ou découvrir les dernières œuvres photographiques de David La Chapelle… Se nourrir d’une multitude de créations artistiques peut être une source d’inspiration et de motivation pour reprendre l’écriture là où elle a été laissée.
2. S’arrêter au bon moment
Suivre le conseil d’Ernest Hemingway : arrêter l’écriture lorsque les mots coulent aisément, lorsque le chemin à suivre est clair.
3. Travailler à plusieurs
Trouver un partenaire d’écriture, organiser des sessions régulières ; cela incite à persévérer dans l’écriture, à sortir de sa zone de confort et à obtenir un soutien en cas de blocage, notamment pour des aspects tels que l’intrigue.
4. Entrer dans une routine
Établir une routine d’écriture, fixer des objectifs journaliers comme écrire 1000 mots par jour, peut être motivant et propice à la progression.
5. Faire un brainstorming
Utiliser la méthode du brainstorming sur post-it : écrire spontanément des mots sur des post-it, les regrouper et explorer les idées qu’ils suscitent. Aborder l’écriture d’une manière différente peut raviver l’inspiration.
6. Souffler et prendre du recul
Prendre une pause prolongée de plusieurs semaines voire mois, libérer la pression, permet parfois de laisser émerger de nouvelles idées et de retrouver le désir d’écrire.
7. Laisser de côté et passer à un autre chapitre
Sauter des chapitres si un passage semble bloquer l’avancée. Souvent, les moments cruciaux de l’histoire ou les rebondissements majeurs sont moins sujets à la page blanche.
8. Buller, aérer son esprit, ralentir son activité cérébrale
Prendre l’air, changer d’environnement, faire de l’exercice physique pour déconnecter et envisager son travail avec un nouveau regard. Cette pause peut permettre de voir les choses sous un angle différent et favoriser l’émergence de nouvelles idées.
9. Se recentrer sur le « pourquoi »
Rappeler la raison pour laquelle on écrit, visualiser ses objectifs peut aider à maintenir le cap face à la page blanche.
10. Donner à lire son premier jet, ses premières pages
Faire lire son travail à des bêta-lecteurs en cours d’écriture, solliciter des retours précis et constructifs pour avancer. Un sondage auprès de lecteurs peut aussi offrir des perspectives différentes sur l’œuvre en cours, à condition de poser des questions précises pour obtenir des réponses utiles.